L'INCESTUEL
L’incestuel, notion que nous devons à Racamier, est un climat psychique et interactionnel qui porte la totalité de l’empreinte de l’inceste sans qu’il y ait de passage à l’acte génital.
C’est le domaine de l’inceste non agi : « L’incestuel c’est l’inceste moral » (Racamier, 1995). La transaction incestuelle se caractérise avant tout par la confusion. Confusion des individus d’abord, avec absence d’individuation : la famille est une unité symbiotique et l’unique frontière clairement repérable se situe entre la famille et le monde extérieur et non entre les différents individus. Confusion des générations ensuite : les frontières intergénérationnelles sont aplanies, voire inversées, il n’y a plus de réelle distinction entre parents et enfants ni entre filles et garçons. D’une façon plus générale, la généalogie est brouillée soit par un secret portant sur un membre de la famille, soit par l’impasse qui est faite sur le père et parfois même sur la mère avec le fantasme d’autoengendrement qui en découle. Cette déconstruction des origines est source de confusion des registres relationnels, entre l’affection parentale et le sentiment amoureux, entre la tendresse et la sexualité adulte. Ce fonctionnement vise à éviter toute séparation, qui ferait planer une menace de mort sur les membres de la famille en réactivant des carences affectives majeures et précoces. L'incestuel : un substitut d'inceste L'incestuel est un substitut d'inceste déguisé en actes en faits ou en situations de nature incestueuse. Ces actes faits ou situations n’ont pas d’aspect particulier, c’est leur fonction, leur valeur, leur charge intime qui leur sont propres et font d’eux des équivalents d’inceste. Ils peuvent revêtir différentes formes. D’abord ce sont des objets matériels, d’apparence ordinaire, au premier rang desquels figure l’argent. Il peut aussi s’agir d’une activité partagée et ritualisée. Ce peut être aussi, sous des airs plus innocents, des pratiques sportives plus ou moins intensives, au cours desquelles les pères, par exemple, deviennent l’entraîneur de leur fille. L'incestuel peut encore consister en un symptôme, en particulier délirant hallucinatoire, ou addictif. La manipulation s’exerçant sur autrui est aussi un type de substitut d’inceste. Il s’agit ici d’un exercice de maîtrise et de contrôle, alimenté par le plaisir de la victoire sur l’autre. Il existe aussi des substituts d'inceste moins déguisés. C’est le cas du climat familial « indûment érotisé ». Les récits d’histoires ou de plaisanteries érotiques sont fréquents, accueillis avec délectation, tout comme les caresses ou pincements déplacés. Sous couvert d’être « libérés », certains parents se livrent à un véritable exhibitionnisme de leur intimité et /ou de leur sexualité. Parallèlement, l’intimité et la sexualité de l’autre sont souvent attaquées, considérées comme insupportables. Ceci prend la forme directe de critiques de la morphologie ou, de façon plus subtile, d’intrusions répétées, lors de la toilette par exemple. Tout cela peut aller jusqu’à une véritable « captation de la sexualité » de l’autre : la sexualité de l’enfant fait l’objet de l’intérêt constant de ses parents qui verbalisent parfois des inductions incestuelles, banalisant l’idée de l’inceste tout en en attribuant le désir à l’autre. Ce n’est pas tant le comportement en lui-même mais plutôt « l’intentionnalité perverse qui le sous-tend (l’excitation de l’adulte) et le déni qui le scelle » qui constituent l’abus. D’autres mécanismes pervers peuvent être en œuvre : la falsification, mettant en avant un souci d’éducation et d’apprentissage, ou l’inversion, dénonçant les réticences éventuelles de la victime comme anormales ou pathologiques. L’abus par personne interposée est un autre substitut d’inceste : l’enfant est abusé sexuellement par un membre de l’entourage extra-familial, repéré comme quelqu’un à risque, sans que cela entraîne une protection de l’enfant, mais plutôt une exposition dans certains cas. Afin de se camoufler et d’égarer les éventuels curieux, les substituts d'inceste sont d’apparence banale. Ils ne sont jamais solitaires, ils se pratiquent à deux ou en famille. Considérés comme une propriété privée, ils sont surinvestis par leurs détenteurs. S’ils ne sont pas toujours concrets, au moins sont-ils toujours agis. Ils se répètent, se réitèrent et se ritualisent. Les susbtituts d’inceste sont paradoxaux : Dissimulant leur fonction derrière une apparence banale, ils se montrent, parfois même s’exhibent, mais lorsqu’on s’y intéresse de trop près, ils se cachent. Leur investissement dépasse de beaucoup leur valeur propre, ceux qui les détiennent semblent les considérer comme une sorte de trésor. Ces précieux trésors, que l’on garde à l’abri des curieux ne sont rien d’autre que des activités intimement sexualisées. Bien entendu, les susbtituts d’inceste ne sont pas source de pensée, ils ne se pensent pas. Contrairement aux symptômes névrotiques, ils ne résultent ni d’un compromis ni d’un déplacement. Ils ne représentent pas, ils sont ce qu’ils remplacent. Les susbtituts exercent la fonction d’objet fétiche, mais ce ne sont pas des fétiches individuels, ce sont des fétiches partagés. Les susbtituts d’inceste sont érotisés, ils ont valeur de fétiches, ce sont des objets de commerce érogène. Ils circulent entre les partenaires mais n’ont pas de fonction transitionnelle. Ils occupent une faille entre le fantasme et la matière; cumulant l’attrait sexuel et l’attrait narcissique. À quoi peut-on reconnaître un susbtitut d'inceste malgré son apparence banale? Toute approche de la part d’un étranger est vécue comme une effraction par les tenants de l’équivalent. « L’équivalent incestuel est tenu pour tabou » (P.-C. Racamier, 1995) et toute manœuvre d’approche suscite crainte, hostilité, et mise à distance. Lorsqu’un thérapeute tente d’aborder la question de ce substitut , le discours familial devient vague, parfois agressif, et le flou est entretenu autour du tabou. Le deuxième indicateur est un indicateur contre-transférentiel. Autour de ces protagonistes, c’est-à-dire chez ceux qui sont exclus de ce commerce mais qui y assistent, l’équivalent induit soit une sidération de la pensée, en écho à ce qui se passe chez les acteurs de la transaction incestuelle, soit au contraire une excitation de l’activité fantasmatique. Cette excitation de l’activité fantasmatique prend parfois une tonalité obscène, semblant suppléer à la carence de fantasmes des acteurs de la relation incestuelle. Il existe une indécence plus ou moins discrète de nos fantasmes et associations autour du noyau incestuel. C’est par le mécanisme d’ « injection projective » (P.-C. Racamier, op. cit.) que nous formons parfois des images directement sexuelles dans notre esprit : ces images semblent passer du psychisme des membres de la famille au nôtre, sans mentalisation ni verbalisation. |
Psychologue Holistique
Thérapeute Systémique Praticienne en EMT 156 Impasse Clos de la Madone 13600 La Ciotat Pour prendre rendez-vous envoyez un SMS au 06.07.02.29.52 |